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Comment Emirates conquiert le ciel européen
Comment Emirates conquiert le ciel européen
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SNPNC
Pour les grands voyageurs qui parcourent le monde et habitent la région Rhône-Alpes, une nouvelle route aérienne vient d'ouvrir. Elle passe par le Moyen-Orient. Le 5 décembre, Emirates a inauguré une liaison Lyon-Dubai cinq fois par semaine.
Pour les grands voyageurs qui parcourent le monde et habitent la région Rhône-Alpes, une nouvelle route aérienne vient d'ouvrir. Elle passe par le Moyen-Orient. Le 5 décembre, Emirates a inauguré une liaison Lyon-Dubai cinq fois par semaine.
Comme pour les deux tiers des passagers de cette compagnie, le hub de Dubai ne sera qu'une escale vers les 126 destinations offertes, tel Sydney, relié désormais en 24 heures au lieu de 34 et deux escales pour Air France. Une pierre de plus dans son jardin après Paris, où Emirates exploite désormais deux A380, et Nice, où elle opère avec un B777. Mais le pari n'est pas gagné: afin de les convaincre de faire escale à Dubai plutôt qu'à Paris pour rallier l'Asie, le Moyen-Orient ou l'Afrique, Emirates va devoir déployer tous ses arguments. Dans le passé, Delta Airlines a tenté par deux fois d'ouvrir une ligne entre Lyon et New York. Sans succès. Depuis, aucune autre compagnie long-courrier n'était revenue sur le trafic intercontinental. Jusqu'à l'arrivée d'Emirates.
Ecrans vidéo géants et Wi-Fi
Dubai n'est pas New York: éviter de passer par Paris pour prendre son avion, sachant que l'on devra de toute façon faire une escale, peut être séduisant quand on habite Lyon. D'autant qu'Emirates a des atouts à faire valoir, en particulier son service. Depuis sept ans, sans interruption, la compagnie se voit décerner le titre de meilleure compagnie mondiale pour ses équipements de divertissement à bord par Skytrax – un site où ce sont les passagers qui votent par millions. De fait les écrans vidéo font partie des plus grands du marché, quelle que soit la classe où l'on voyage. Les séries et les films sont aussi les plus récents: entre Paris et Dubai cet hiver les passagers peuvent regarder les derniers blockbusters américains, comme Men in Black 3 ou Avengers, mais aussi Your Sister's Sister avec Emily Blunt qui ne sortira en France que le 10 avril prochain. Et tous les A380 étant équipés de Wi-Fi, les passagers peuvent consulter leurs courriels et surfer sur Internet en vol. Il est même possible d'utiliser son mobile.
Son service aussi surclasse celui de ses rivales. Dans tous les domaines ses hôtesses n'ont jamais moins de quatre étoiles Skytrax alors que celles de Delta n'en obtiennent que trois au maximum. En quelques années la compagnie émiratie est devenue plus puissante que sa concurrente américaine avec ses 174 avions long-courriers dont la plus grande flotte au monde d'Airbus A380 et de Boeing B777. Sans compter quelque 212 autres A380 B777 et A350 en commande, soit, au prix catalogue, 70 milliards de dollars d'avions à venir financés sans la moindre difficulté! Là où la flotte mondiale a augmenté de 5% en 2011, celle d'Emirates elle a bondi de 15%. Sur les long-courriers, Emirates dépasse ainsi depuis peu Air France-KLM, longtemps indétrônable sur ce segment. Et ce n'est pas fini! Privilège réservé à elle seule elle travaille depuis le début de l'automne avec Boeing à la mise au point du B777X, la nouvelle version du gros-porteur de l'avionneur de Seattle prévue pour début 2020. Tim Clark le président d'Emirates, a promis que sa compagnie en serait le premier client si Boeing se montrait "ready to rock'n'roll".
Cauchemar de ses rivales
Casser la baraque. Pour les autres compagnies aériennes, cette course en tête d'Emirates est épuisante. Quoi qu'elles fassent elles sont comparées à la compagnie du Golfe souvent à leur détriment. Air France-KLM est en train de changer ses fauteuils de classe affaires qui ne s'inclinaient pas totalement à l'horizontale,pour les remplacer par un nouveau modèle qui, lui, se transforme en lit extraplat. Emirates offrait déjà à ses passagers en business de dormir confortablement allongés. De même quand la compagnie française propose du caviar Petrossian en première pour Noël, la presse spécialisée fait remarquer qu'Emirates sert du caviar Gourmet House toute l'année… Oubliant que sur le Concorde d'Air France les passagers pouvaient en manger au goûter! Alors quand Thierry Aucoc, le directeur général d'Emirates en France, croise les dirigeants d'Air France-KLM, certains tournent les talons. A commencer par Jean-Cyril Spinetta, son PDG, qui disait il n'y a pas si longtemps: "Les compagnies du Golfe sont en train de tuer notre industrie!"
Pourtant l'hostilité s'estompe peu à peu au gré des intérêts économiques. Certaines accusations ont fait long feu, comme celle de ne pas payer son kérosène, Dubai ayant d'importantes réserves de pétrole. Mais Emirates a prouvé qu'elle réglait bel et bien la facture, au prix du marché qui plus est. Le carburant représente désormais 40% de ses charges, et l'augmentation du prix du baril a fait plonger ses bénéfices de… 72% l'an dernier. La compagnie a tout de même été largement profitable, à 500 millions d'euros.
En revanche, Emirates profite du moindre coût de son personnel: les salaires pèsent pour 11% de son chiffre d'affaires (13 milliards), alors qu'ils représentent pas moins de 30% de celui d'Air France-KLM. "Effectivement, le niveau de charges n'est pas le même à Paris et à Dubai, reconnaît Thierry Aucoc. Mais nos salariés ne sont pas à plaindre: nos pilotes ont des salaires équivalents à ceux du marché, leur appartement à Dubai est payé ainsi que leur électricité, et ils ont une mutuelle." La distorsion de concurrence pèse sur les comptes. "Nous estimons à 900 millions d'euros la différence de charges entre nos deux compagnies, en plus de la faiblesse des redevances aéroportuaires à Dubai par rapport à Paris", siffle-t-on à Air France.
A contre-courant
Cette toute-puissance permet à Emirates d'être la seule grande compagnie du monde à n'appartenir à aucune alliance, là où ses rivales du Golfe ont rendu les armes. Dans un monde en crise, où le baril de Brent dépasse 110 dollars, mieux vaut s'unir pour continuer à développer son réseau. Ainsi, Qatar Airways est entrée début octobre dans Oneworld, l'alliance dominée par American Airlines et British Airways. Quelques jours plus tard, Etihad annonçait un partenariat avec Air France-KLM, avec l'espoir d'aller plus loin si affinités. Emirates, elle, refuse de s'aligner. A peine a-t-elle conclu quelques accords commerciaux avec une dizaine de compagnies comme Air Malta, Jet Airways, South African Airways ou Thaï Airways, qui, pour la plupart, font partie de Star Alliance, menée par Lufthansa, ou sont pressenties pour l'intégrer. Une ouverture pour plus tard? Pas sûr. Thierry Aucoc est catégorique: "Une alliance nous servirait à quoi? Nous avons 126 destinations long-courriers! Et puis sincèrement, nous n'aimons pas trop le mélange des genres. Nous avons un beau produit, nous ne voulons pas prendre le risque de faire voyager nos passagers sur une compagnie qui serait moins premium que la nôtre." Pourtant, Emirates pourrait espérer drainer encore plus de trafic vers ses avions. Mais elle y parvient plutôt bien toute seule: rien qu'en Europe, elle a transporté près de 20% de passagers en plus en 2011.
Emirates a cependant fait un pas en avant cet automne, en signant un accord de partenariat mondial avec l'australienne Qantas, en difficulté financière, qui démarrera en avril prochain. Officiellement, elle le présente comme un simple "accompagnement" de son fort développement en Océanie, qui lui donne accès aux 50 destinations de Qantas en Australie, avec 5.000 vols hebdomadaires. En réalité, l'accord est bien plus large que cela. En particulier le hub de Qantas de Singapour, qui lui servait pour tous ses vols vers l'Europe, sera ni plus ni moins transféré à Dubai. L'aéroport de l'émirat ressemble de plus en plus à une plateforme mondiale au service de sa compagnie phare, Emirates, et de ses partenaires. Ainsi, depuis cet automne, une rumeur persistante circule: la compagnie dubaiote chercherait un partenaire en Amérique latine et en Inde, où nombre de compagnies aériennes, fragiles économiquement, pourraient se mettre sous son aile protectrice. Emirates serait donc tranquillement en train de créer son propre réseau d'alliances. Et d'assurer sa domination aérienne planétaire.
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