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RAPPORT LE ROUX : Compagnies aériennes Françaises en danger
RAPPORT LE ROUX : Compagnies aériennes Françaises en danger
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Chargé par le gouvernement de présider un groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien, Bruno Le Roux, Président du Groupe socialiste à l’Assemblée, a remis le 3 novembre dernier à Manuel Valls un rapport présentant les conclusions du groupe de travail ainsi qu’un certain nombre de propositions pour redynamiser le transport aérien français. Le rapport qualifie le transport aérien de « secteur en danger » en relevant notamment qu’alors que le trafic de passagers touchant la France a progressé de 41 % entre 2003 et 2013, « la part du pavillon français est passée de 54,3 % à 45,6 % dans le même temps ». Et que le hub de Paris a perdu des parts de marché sur le trafic de correspondances.
Le rapport fait donc un certain nombre de propositions concrètes.
- Dans l’immédiat, dès le budget 2015, en cours de discussion au Parlement, exonérer les transporteurs de la taxe de l’aviation civile (TAC) au titre des passagers en correspondance et répercutée sur le prix des billets, taxe qui aurait contribué à faire baisser la part de marché de Roissy-CDG dans ce domaine. Cette mesure serait compensée par l’affectation au budget de l’aviation civile de la totalité des recettes de la dite TAC, alors qu’une partie non négligeable de cette taxe va aujourd’hui au budget général de l’Etat…
- La modification de l’affectation des redevances d’Aéroports de Paris (ADP). Aujourd’hui ADP ne finance ses activités aéroportuaires et ses financements d’infrastructures que par les seules redevances. Le rapport préconise d’y ajouter les recettes tirées de ses activités commerciales annexes (boutiques, parkings, bureaux…). ADP s’est toujours opposé au principe dit de la « caisse unique », soutenant que ses recettes permettaient ses investissements à l’Etranger et à sa marge (qui serait de l’ordre de 7 à 8 % l’an) servant à la rémunération de ses actionnaires. Parmi lesquels l’Etat, majoritaire dans ADP…
- Le report de la « taxe Chirac » de solidarité, destinée à financer la lutte contre les épidémies dans le tiers-monde, appliqué au seul transport aérien (coût estimé pour AF : 70 millions d’euros par an à d’autres secteurs plus fortunés (banques, assurances, grande distribution). De façon générale, le Rapport préconise de mettre un terme à la multiplication des taxes frappant le transport aérien.
- La prise en charge par l’Etat des investissements de sûreté aéroportuaire (contrôle des liquides, des bagages en soute…) actuellement financés par les Compagnies aériennes. Ce qui contiendrait la hausse de la taxe d’aéroport (TAP).
- Maintien du moratoire actuel sur l’ouverture de nouveaux droits de trafic aux Compagnies du Golfe. Problème : Emirates va sans doute rappeler qu’il est un gros client d’Airbus… De façon générale, le Rapport préconise « d’assurer une vigilance maximale sur le respect des normes sociales et fiscales françaises par les transporteurs étrangers ».
En conclusion, la mise en œuvre, même partiel du Rapport Le Roux nécessite une vraie volonté politique pour affronter la levée de boucliers parmi lesquels celui de Bercy ne sera pas le moins redoutable.
POUR EN SAVOIR PLUS – ARTICLE DE LA TRIBUNE
Si rien n'est fait, les compagnies aériennes françaises auront disparu dans cinq ans. Par Alain Battisti, Président de la Fédération Nationale de l'Aviation marchande, FNAM. Afin de comprendre la situation présente du transport aérien français, il est utile de rappeler qu'à la fin des années 90, le marché européen du transport aérien dans le sillage de la dérégulation Américaine des « années Reagan », s'est totalement ouvert à la concurrence. Cette décision politique européenne souhaitée par les Etats, dont la France, a été conduite par les autorités dans « l'intérêt supérieur du consommateur »
Les "low cost" ont joué sur les avantages fiscaux et un droit social avantageux
En matière de concurrence intracommunautaire, l'émergence fulgurante des compagnies à bas coûts dites « low cost » a été rendu possible grâce à l'institution de ce grand Marché Européen, mais également au développement d'Internet qui a révolutionné la distribution des billets d'avions tout en en réduisant fortement les coûts.
Cependant, l'Europe et les États ont oublié de mettre à niveau la fiscalité, le système social, les règles du marché du travail entre les États. Dans ce contexte, la croissance des compagnies « low cost» s'est bâtie en jouant des avantages fiscaux et surtout d'un droit social avantageux par sa souplesse et son pragmatisme. Parmi les « low cost », certaines compagnies « voyous » bâtissent leur croissance en bafouant les règles européennes en matière de droit social, de fiscalité, de droits des consommateurs…
Ryanair et Easyjet, deux exemples de compagnies voyou?
Je citerai deux exemples : la récente condamnation de Ryanair, qui applique une surtaxe de 2% sur les paiements par carte bancaire. Cette surtaxe a été jugée illégale. Mais disons les choses franchement, constitué en business-model, le non-respect délibéré des lois et des règlements donne à certains des avantages concurrentiels majeurs sans qu'aucun vrai coup de sifflet ne soit donné par les autorités. Dans le cas présent, que signifie 150 000 euros d'amende au regard de 2% de revenu complémentaire calculé sur plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaire ?
Le second exemple nous vient d'Easyjet, compagnie reçue en grandes pompes au ministère des Transports en juin dernier et qui, par ailleurs, déclarait publiquement n'opérer sur le territoire national que la moitié de ses vols avec du personnel basé, c'est-à-dire « déclaré » en France. En clair, Easyjet ne paye que la moitié des cotisations sociales dues par son exploitation française! Combien d'entreprises françaises pourraient de façon pérenne ne payer que la moitié de leurs Urssaf ?
Halte à la concurrence subventionnée
En matière de concurrence extracommunautaire, nos aéroports voient débarquer de nouvelles compagnies souvent créées de toutes pièces par des Etats souverains. Peut-on accepter sans restriction la concurrence sinon subventionnée, du moins soutenue par des Etats aux ressources financières sans limite ? Est-ce là, de la saine et juste, libre-concurrence ? Pourquoi l'Europe est-elle aussi naïve par rapport aux enjeux d'une concurrence qui s'annonce aussi déséquilibrée ? L'Europe peut-elle poursuivre une politique d'ouverture sacrificielle pour ses intérêts économiques et ses emplois ?
Une perte inexorable de parts de marché pour les compagnies françaises
Les compagnies françaises vivent depuis 12 ans, une inexorable décroissance de leurs parts de marché. Face à l'évolution de la concurrence, les compagnies régulières françaises ne sont pas restées inactives. Elles ont travaillé leurs fondamentaux, et, s'appuyant sur des alliances capitalistiques et commerciales, en jouant sur tous les leviers de gestion. Elles réforment leur offre, travaillent leurs programmes et leurs tarifs, régulent les capacités, développent des hubs internationaux ou nationaux, font le plus souvent les bons choix d'investissement en modernisant leur flotte, mettent en place des alliances européennes et mondiales.
Des coûts fiscaux et sociaux incompatibles avec la guerre économique
Pour autant, ces efforts de gestion, ces décisions stratégiques sont-elles suffisantes pour survivre et se développer ? L'État français et les gouvernements successifs ont-ils réellement pris en compte la mesure des enjeux du ciel unique Européen et de la mondialisation ? Les entreprises françaises du transport Aérien vivent des handicaps structurels qui les menacent de disparition pure et simple. Les coûts sociaux et fiscaux imposés par notre pays à ses entreprises sont simplement incompatibles avec la guerre économique que nous livrons et la concurrence mondiale que nous affrontons.
En 2010, la taxation (hors impôts sur les sociétés) des entreprises de l'aérien en Allemagne représentait 0,3% du chiffre d'affaires, 0,1% aux Pays-Bas, 11 fois plus en France (1,1%). Depuis 2010, la situation s'est aggravée en France alors que la taxation en Allemagne et aux Pays-Bas s'est réduite. En prenant comme base de comparaison les pays où, comme en France, la protection sociale a un vrai sens, les charges sociales calculées sur la base d'un salaire brut représentent 21% en Irlande, 25% au Royaume-Uni, 19% aux Pays-Bas, 29% en Allemagne et 47% en France soit près du double de la moyenne des quatre pays précédents (23.5 %). Si l'on se penche sur les coûts de sûreté en aéroport, nous constatons que La France est le seul pays d'Europe où les coûts de sûreté augmentent d'année en année. De plus ces coûts de sûreté sont intégralement pris en charge par le secteur, cas unique dans le monde.
Remettre à plat le système français
Nos entreprises ont elles un avenir alors qu'elles sont face à des adversaires qui « courent » plus vite ? Les écarts entre les charges et la fiscalité d'une part, et les standards européens (bas coûts ou non) d'autre part, imposent une remise à plat profonde du système français, dont la caractéristique principale est de faire porter sur un faible nombre la quasi-totalité du fardeau des taxes et prélèvements, au nom de la justice et de l'équité. Les pouvoirs publics se doivent de faire rapidement un rééquilibrage en faveur de l'emploi et de la valeur ajoutée dans le pays.
Les compagnies aériennes n'ont plus de temps devant elles. Si nous restons sur la tendance actuelle, il n'y aura plus de compagnies françaises dans moins de 5 ans.
Simplifier les procédures
Le rôle des pouvoirs publics en tant que producteur de service doit être également remis à plat. La puissance publique a le devoir de réduire ses coûts de fonctionnement (augmentation de la productivité, réduction des effectifs, concentration des administrations, introduction de la rémunération variable et au mérite, modernisation de certaines infrastructures ou systèmes). La direction générale de l'aviation civile (DGAC), dont la compétence des personnels est reconnue en France et à l'étranger, doit simplifier ses procédures internes et réduire celles qu'elle impose aux compagnies, aux aéroports, à l'ensemble des acteurs de l'industrie. Il faut mettre fin à la « surinterprétation » réglementaire systématique des textes européens, par exemple en matière de sûreté, de maintenance, de temps de travail, de surveillance réglementaire ….
Au Canada, une division par deux du coût du contrôle aérien
Prenons un exemple précis d'adaptation réussie de structures publiques à la contrainte budgétaire. L'exemple nous vient de l'étranger, de Transport Canada qui a réduit par deux le coût du contrôle aérien en 10 ans. La recette a été non pas de privatiser le contrôle aérien, mais de créer un établissement public, avec une recherche permanente de productivité de ses personnels et de ses outils de production (radar, informatique, organisation).
Enfin en matière d'infrastructure, l'État peut agir efficacement et de façon éclairé en évitant la création ou le maintien de rente de situation à l'abri de la concurrence. La « dénationalisation progressive » des aéroports français accentue chaque jour les déséquilibres au sein de la chaîne de valeurs du transport aérien. Il suffit de comparer les rentabilités des sociétés ou groupes aéroportuaires avec celles des compagnies aériennes pour être frappé par le déséquilibre. Pourquoi les contrats de régulation aéroportuaires sont-ils aussi inadaptés? Nos aéroports sont les principaux points d'entrée de notre pays, la maîtrise de leurs tarifs est un facteur majeur d'attractivité. Des exemples pertinents de bonne gestion bien comprise existent au sein de l'UE, il suffit de s'en inspirer.
Le poids de la non-réforme et des corporatismes
Le pavillon français se trouve désormais à la croisée des chemins. Soit nous renonçons collectivement à exister, c'est, d'une certaine manière, le plan proposé par le syndicat majoritaire des pilotes de lignes qui en refusant le développement « low-cost » du groupe Air France, condamne la compagnie à renoncer au court et moyen-courrier, soit nous réagissons collectivement entreprises, salariés, pouvoirs publics, pour donner à nos enfants un avenir au sein d'un transport aérien tricolore au cœur d'une concurrence saine et rééquilibrée ?
Le poids de la non réforme et des corporatismes entraîne la mort lente de l'économie et la disparition anticipée des secteurs les plus exposés à la concurrence. Les pouvoirs publics ne peuvent pas rester indifférents et spectateurs de la mort du transport aérien français. L'enjeu immédiat est un choc de simplification et c'est aussi la volonté du chef de l'état. Prenant appui sur les initiatives prises courant 2013 par Gilles Savary, Président du CSAC, et, sur la volonté répétée par le Président de la République début 2014, la FNAM et l'ensemble des entreprises du secteur du transport aérien, veulent intensifier leurs contributions et multiplier les propositions en matière de simplification : c'est un enjeu majeur à court terme !
Cette démarche est reprise depuis trois mois dans le cadre de la mission confiée à Bruno Le Roux : Accélérons, car le temps des acteurs ne se mesure pas sur la même échelle.
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